EXERCICE
TEXTE ET QUESTIONS DE COMPRÉHENSION
texte support :
Je ne comprenais rien au rituel compliqué qui se déroulait au rez-de-chaussée. De notre fenêtre du deuxième étage, je distinguais à travers la fumée des aromates les silhouettes gesticuler. Elles faisaient tinter leurs instruments bizarres. J’entendais des you-you. Les robes étaient tantôt bleu-ciel, tantôt rouge sang, parfois d’un jaune flamboyant. Les lendemains de ces fêtes étaient des jours mornes, plus tristes et plus gris que les jours ordinaires. Je me levais de bonne heure pour aller au Msid, école Coranique située à deux pas de la maison. Les bruits de la nuit roulaient encore dans ma tête, l’odeur du benjoin et de l’encens m’enivrait. Autour de moi, rôdaient les jnouns, les démons noirs évoqués par la sorcière et ses amis avec une frénésie qui touchait au délire. Je sentais les jnouns me frôler de leurs doigts brûlants ; j’entendais leurs rires comme par les nuits d’orage. Mes index dans les oreilles, je criais les versets tracés sur ma planchette avec un accent de désespoir.
Les deux pièces du rez-de-chaussée étaient occupées par la Chouafa principale locataire. Au premier étage habitaient Driss El Aouad, sa femme Rahma et leur fille d'un an plus âgée que moi. Elle s'appelait Zineb et je ne l'aimais pas. Toute cette famille disposait d'une seule pièce, Rahma faisait la cuisine sur le palier. Nous partagions avec Fatma Bziouya le deuxième étage. Nos deux fenêtres faisaient vis-à-vis et donnaient sur le patio, un vieux patio dont les carreaux avaient depuis longtemps perdu leurs émaux de couleur et qui paraissait pavé de briques. Il était tous les jours lavé à grande eau et frotté au balai de doum. Les jnouns aimaient la propreté. Les clientes de la Chouafa avaient dès l'entrée une bonne impression, impression de netteté et de paix qui invitait à l'abandon, aux confidences - autant d'éléments qui aidaient la voyante à dévoiler plus sûrement l'avenir.
Il n'y avait pas de clientes tous les jours. Aussi inexplicable que cela puisse paraître, il y avait la morte-saison. On ne pouvait en prévoir l'époque. Brusquement, les femmes cessaient d'avoir recours à des philtres d'amour, se préoccupaient moins de leur avenir, ne se plaignaient plus de leurs douleurs des reins, des omoplates ou du ventre, aucun démon ne les tourmentait.
La Chouafa choisissait ces quelques mois de trêve pour s'occuper de sa santé propre. Elle se découvrait des maux que sa science ne pouvait réduire. Les diables l'hallucinaient, se montraient exigeants quant à la couleur des caftans, l'heure de les porter, les aromates qu'il fallait brûler dans telle ou telle circonstance. Et dans la pénombre de sa grande pièce tendue de cretonne, la chouafa gémissait, se plaignait, conjurait, se desséchait dans des nuages d'encens et de benjoin.
J'avais peut-être six ans. Ma mémoire était une cire fraîche et les moindres événements s'y gravaient en images ineffaçables. Il me reste cet album pour égayer ma solitude, pour me prouver à moi-même que je ne suis pas encore mort.
A six ans j'étais seul, peut-être malheureux, mais je n'avais aucun point de repère qui me permît d'appeler mon existence : solitude ou malheur.
Je n'étais ni heureux, ni malheureux. J'étais un enfant seul. Cela, je le savais. Point farouche de nature, j'ébauchai de timides amitiés avec les bambins de l'école coranique, mais leur durée fut brève. Nous habitions des univers différents. J'avais un penchant pour le rêve. Le monde me paraissait un domaine fabuleux, une féerie grandiose où les sorcières entretenaient un commerce familier avec des puissances invisibles. Je désirais que l’Invisible m'admît à participer à ses mystères. Mes petits camarades de l'école se contentaient du visible, surtout quand ce visible se concrétisait en sucreries d'un bleu céleste ou d'un rose de soleil couchant. Ils aimaient grignoter, sucer, mordre à pleines dents. Ils aimaient aussi jouer à la bataille, se prendre à la gorge avec des airs d'assassins, crier pour imiter la voix de leur père, s'insulter pour imiter les voisins, commander pour imiter le maître d'école.
Moi, je ne voulais rien imiter, je voulais connaître.
Abdallah, l'épicier, me raconta les exploits d'un roi magnifique qui vivait dans un pays de lumière, de fleurs et de parfums, par delà les Mers des Ténèbres, par delà la Grande Muraille. Et je désirais faire un pacte avec les puissances invisibles qui obéissaient aux sorcières afin qu'elles m'emmènent par delà les Mers des Ténèbres et par delà la Grande Muraille, vivre dans ce pays de lumière, de parfums et de fleurs.
Mon père me parlait du Paradis. Mais, pour y renaître, il fallait d'abord mourir. Mon père ajoutait que se tuer était un grand péché, un péché qui interdisait l'accès à ce royaume. Alors, je n'avais qu'une solution : attendre ! Attendre de devenir un homme, attendre de mourir pour renaître au bord du fleuve Salsabil. Attendre ! C'est cela exister. A cette idée, je n'éprouvais certainement aucune frayeur. Je me réveillais le matin, je faisais ce qu'on me disait de faire. Le soir, le soleil disparaissait et je revenais m'endormir pour recommencer le lendemain. Je savais qu'une journée s'ajoutait à une autre, je savais que les jours faisaient des mois, que les mois devenaient des saisons, et les saisons l'année. J'ai six ans, l'année prochaine j'en aurai sept et puis huit, neuf et dix. A dix ans, on est presque un homme. A dix ans, on parcourt seul tout le quartier, on discute avec les marchands, on sait écrire, au moins son nom, on peut consulter une voyante sur son avenir, apprendre des mots magiques, composer des talismans.
En attendant, j'étais seul au milieu d'un grouillement de têtes rasées, de nez humides, dans un vertige de vociférations de versets sacrés.
L'école était à la porte de Derb Noualla. Le fqih, un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient constamment des flammes de colère, habitait la rue Jiaf. Je connaissais cette rue. Je savais qu'au fond d'un boyau noir et humide, s'ouvrait une porte basse d'où s'échappait, toute la journée, un brouhaha continu de voix de femmes et de pleurs d'enfants.
La première fois que j'avais entendu ce bruit, j'avais éclaté en sanglots parce que j'avais reconnu les voix de l'Enfer telles que mon père les évoqua un soir.
Ma mère me calma :
- Je t'emmène prendre un bain, je te promets un orange et un œuf dur et tu trouves le moyen de braire comme un âne !
Toujours hoquetant, je répondis :
- Je ne veux pas aller en Enfer. Elle leva les yeux au ciel et se tut , confondue par tant de niaiserie.
Je crois n'avoir jamais mis les pieds dans un bain maure depuis mon enfance. Une vague appréhension et un sentiment de malaise m'ont toujours empêché d'en franchir la porte. A bien réfléchir je n'aime pas les bains maures. La promiscuité, l'espèce d'impudeur et de laisser-aller que les gens se croient obligés d'affecter en de tels lieux m'en écartent.
Même enfant, je sentais sur tout ce grouillement de corps humides, dans ce demi-jour inquiétant, une odeur de péché. Sentiment très vague, surtout à l'âge où je pouvais encore accompagner ma mère au bain maure, mais qui provoquait en moi un certain trouble.
Dès notre arrivée nous grimpâmes sur une vaste estrade couverte de nattes. Après avoir payé soixante quinze centimes à la caissière nous commençâmes notre déshabillage dans un tumulte de voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes à moitié habillées, déballant de leurs énormes baluchons des caftans et des mansourias, des chemises et des pantalons, des haïks à glands de soie d'une éblouissante blancheur. Toutes ces femmes parlaient fort, gesticulaient avec passion, poussaient des hurlements inexplicables et injustifiés.
Je retirai mes vêtements et je restai tout bête, les mains sur le ventre, devant ma mère lancée dans une explication avec une amie de rencontre. Il y avait bien d'autres enfants, mais ils paraissaient à leur aise, couraient entre les cuisses humides, les mamelles pendantes, les montagnes de baluchons, fiers de montrer leurs ventres ballonnés et leurs fesses grises.
Je me sentais plus seul que jamais. J'étais de plus en plus persuadé que c'était bel et bien l'Enfer. Dans les salles chaudes, l'atmosphère de vapeur, les personnages de cauchemar qui s'y agitaient, la température, finirent par m'anéantir. Je m'assis dans un coin, tremblant de fièvre et de peur. Je me demandais ce que pouvaient bien faire toutes ces femmes qui tournoyaient partout, couraient dans tous les sens, traînant de grands seaux de bois débordants d'eau bouillante qui m'éclaboussait au passage. Ne venaient-elles donc pas pour se laver? Il y en avait bien une ou deux qui tiraient sur leurs cheveux, assises, les jambes allongées, protestant d'une voix haute, mais les autres ne semblaient même pas s'apercevoir de leur présence et continuaient leurs éternels voyages avec leurs éternels seaux de bois. Ma mère, prise dans le tourbillon, émergeait de temps en temps d'une masse de jambes et de bras, me lançait une recommandation ou une injure que je n'arrivais pas à saisir et disparaissait.
Devant moi, dans un seau vide, il y avait un peigne en corne, un gobelet de cuivre bien astiqué, des oranges et des œufs durs. Je pris timidement une orange, je l'épluchai, je la suçai pendant longtemps, le regard vague. Je sentais moins l'indécence de mon corps dans cette pénombre, je le regardais se couvrir de grosses gouttes de sueur et je finis par oublier les femmes qui s'agitaient, leurs seaux de bois et leurs voyages inexplicables autour de la pièce. Ma mère fondit sur moi. Elle me plongea dans un seau d'eau, me couvrit la tête d'une glaise odorante et malgré mes cris et mes larmes me noya sous un flot d'injures et de feu. Elle me sortit du seau, me jeta dans un coin comme un paquet, disparut de nouveau dans le tourbillon. Mon désespoir dura peu, je plongeai la main dans le seau à provisions et je pris un œuf dur, gourmandise dont j'étais particulièrement friand. Je n'avais pas encore fini d'en grignoter le jaune que ma mère réapparut de nouveau, m'aspergea alternativement d'eau bouillante et d'eau glacée, me couvrit d'une serviette et m'emporta à moitié mort à l'air frais sur l'estrade aux baluchons. Je l'entendis dire à la caissière :
- Lalla Fattoum, je te laisse mon fils, je n'ai pas eu encore une goutte d'eau pour me laver.
Et à moi :
- Habille-toi, tête d'oignon ! Voici une orange pour t'occuper.
Je me trouvai seul, les mains croisées sur mon ventre en flammes, plus bête que jamais au milieu de toutes ces inconnues et de leurs fastueux baluchons. Je m'habillai.
Ma mère vint un moment m'entourer étroitement la tête dans une serviette qu'elle me noua sous le menton, me munit de toutes sortes de recommandations et s'engouffra dans les salles chaudes par cette porte qui me faisait face et d’où s’échappaient toutes sortes de rumeurs.
J’attendis sur l'estrade jusqu'au soir. Ma mère finit par venir me rejoindre, l'air épuisé, se plaignant de violents maux de tête.
Heureusement pour moi, ces séances de bain étaient assez rares.
TEXTE ET QUESTIONS DE COMPRÉHENSION
texte support :
Je ne comprenais rien au rituel compliqué qui se déroulait au rez-de-chaussée. De notre fenêtre du deuxième étage, je distinguais à travers la fumée des aromates les silhouettes gesticuler. Elles faisaient tinter leurs instruments bizarres. J’entendais des you-you. Les robes étaient tantôt bleu-ciel, tantôt rouge sang, parfois d’un jaune flamboyant. Les lendemains de ces fêtes étaient des jours mornes, plus tristes et plus gris que les jours ordinaires. Je me levais de bonne heure pour aller au Msid, école Coranique située à deux pas de la maison. Les bruits de la nuit roulaient encore dans ma tête, l’odeur du benjoin et de l’encens m’enivrait. Autour de moi, rôdaient les jnouns, les démons noirs évoqués par la sorcière et ses amis avec une frénésie qui touchait au délire. Je sentais les jnouns me frôler de leurs doigts brûlants ; j’entendais leurs rires comme par les nuits d’orage. Mes index dans les oreilles, je criais les versets tracés sur ma planchette avec un accent de désespoir.
Les deux pièces du rez-de-chaussée étaient occupées par la Chouafa principale locataire. Au premier étage habitaient Driss El Aouad, sa femme Rahma et leur fille d'un an plus âgée que moi. Elle s'appelait Zineb et je ne l'aimais pas. Toute cette famille disposait d'une seule pièce, Rahma faisait la cuisine sur le palier. Nous partagions avec Fatma Bziouya le deuxième étage. Nos deux fenêtres faisaient vis-à-vis et donnaient sur le patio, un vieux patio dont les carreaux avaient depuis longtemps perdu leurs émaux de couleur et qui paraissait pavé de briques. Il était tous les jours lavé à grande eau et frotté au balai de doum. Les jnouns aimaient la propreté. Les clientes de la Chouafa avaient dès l'entrée une bonne impression, impression de netteté et de paix qui invitait à l'abandon, aux confidences - autant d'éléments qui aidaient la voyante à dévoiler plus sûrement l'avenir.
Il n'y avait pas de clientes tous les jours. Aussi inexplicable que cela puisse paraître, il y avait la morte-saison. On ne pouvait en prévoir l'époque. Brusquement, les femmes cessaient d'avoir recours à des philtres d'amour, se préoccupaient moins de leur avenir, ne se plaignaient plus de leurs douleurs des reins, des omoplates ou du ventre, aucun démon ne les tourmentait.
La Chouafa choisissait ces quelques mois de trêve pour s'occuper de sa santé propre. Elle se découvrait des maux que sa science ne pouvait réduire. Les diables l'hallucinaient, se montraient exigeants quant à la couleur des caftans, l'heure de les porter, les aromates qu'il fallait brûler dans telle ou telle circonstance. Et dans la pénombre de sa grande pièce tendue de cretonne, la chouafa gémissait, se plaignait, conjurait, se desséchait dans des nuages d'encens et de benjoin.
J'avais peut-être six ans. Ma mémoire était une cire fraîche et les moindres événements s'y gravaient en images ineffaçables. Il me reste cet album pour égayer ma solitude, pour me prouver à moi-même que je ne suis pas encore mort.
A six ans j'étais seul, peut-être malheureux, mais je n'avais aucun point de repère qui me permît d'appeler mon existence : solitude ou malheur.
Je n'étais ni heureux, ni malheureux. J'étais un enfant seul. Cela, je le savais. Point farouche de nature, j'ébauchai de timides amitiés avec les bambins de l'école coranique, mais leur durée fut brève. Nous habitions des univers différents. J'avais un penchant pour le rêve. Le monde me paraissait un domaine fabuleux, une féerie grandiose où les sorcières entretenaient un commerce familier avec des puissances invisibles. Je désirais que l’Invisible m'admît à participer à ses mystères. Mes petits camarades de l'école se contentaient du visible, surtout quand ce visible se concrétisait en sucreries d'un bleu céleste ou d'un rose de soleil couchant. Ils aimaient grignoter, sucer, mordre à pleines dents. Ils aimaient aussi jouer à la bataille, se prendre à la gorge avec des airs d'assassins, crier pour imiter la voix de leur père, s'insulter pour imiter les voisins, commander pour imiter le maître d'école.
Moi, je ne voulais rien imiter, je voulais connaître.
Abdallah, l'épicier, me raconta les exploits d'un roi magnifique qui vivait dans un pays de lumière, de fleurs et de parfums, par delà les Mers des Ténèbres, par delà la Grande Muraille. Et je désirais faire un pacte avec les puissances invisibles qui obéissaient aux sorcières afin qu'elles m'emmènent par delà les Mers des Ténèbres et par delà la Grande Muraille, vivre dans ce pays de lumière, de parfums et de fleurs.
Mon père me parlait du Paradis. Mais, pour y renaître, il fallait d'abord mourir. Mon père ajoutait que se tuer était un grand péché, un péché qui interdisait l'accès à ce royaume. Alors, je n'avais qu'une solution : attendre ! Attendre de devenir un homme, attendre de mourir pour renaître au bord du fleuve Salsabil. Attendre ! C'est cela exister. A cette idée, je n'éprouvais certainement aucune frayeur. Je me réveillais le matin, je faisais ce qu'on me disait de faire. Le soir, le soleil disparaissait et je revenais m'endormir pour recommencer le lendemain. Je savais qu'une journée s'ajoutait à une autre, je savais que les jours faisaient des mois, que les mois devenaient des saisons, et les saisons l'année. J'ai six ans, l'année prochaine j'en aurai sept et puis huit, neuf et dix. A dix ans, on est presque un homme. A dix ans, on parcourt seul tout le quartier, on discute avec les marchands, on sait écrire, au moins son nom, on peut consulter une voyante sur son avenir, apprendre des mots magiques, composer des talismans.
En attendant, j'étais seul au milieu d'un grouillement de têtes rasées, de nez humides, dans un vertige de vociférations de versets sacrés.
L'école était à la porte de Derb Noualla. Le fqih, un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient constamment des flammes de colère, habitait la rue Jiaf. Je connaissais cette rue. Je savais qu'au fond d'un boyau noir et humide, s'ouvrait une porte basse d'où s'échappait, toute la journée, un brouhaha continu de voix de femmes et de pleurs d'enfants.
La première fois que j'avais entendu ce bruit, j'avais éclaté en sanglots parce que j'avais reconnu les voix de l'Enfer telles que mon père les évoqua un soir.
Ma mère me calma :
- Je t'emmène prendre un bain, je te promets un orange et un œuf dur et tu trouves le moyen de braire comme un âne !
Toujours hoquetant, je répondis :
- Je ne veux pas aller en Enfer. Elle leva les yeux au ciel et se tut , confondue par tant de niaiserie.
Je crois n'avoir jamais mis les pieds dans un bain maure depuis mon enfance. Une vague appréhension et un sentiment de malaise m'ont toujours empêché d'en franchir la porte. A bien réfléchir je n'aime pas les bains maures. La promiscuité, l'espèce d'impudeur et de laisser-aller que les gens se croient obligés d'affecter en de tels lieux m'en écartent.
Même enfant, je sentais sur tout ce grouillement de corps humides, dans ce demi-jour inquiétant, une odeur de péché. Sentiment très vague, surtout à l'âge où je pouvais encore accompagner ma mère au bain maure, mais qui provoquait en moi un certain trouble.
Dès notre arrivée nous grimpâmes sur une vaste estrade couverte de nattes. Après avoir payé soixante quinze centimes à la caissière nous commençâmes notre déshabillage dans un tumulte de voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes à moitié habillées, déballant de leurs énormes baluchons des caftans et des mansourias, des chemises et des pantalons, des haïks à glands de soie d'une éblouissante blancheur. Toutes ces femmes parlaient fort, gesticulaient avec passion, poussaient des hurlements inexplicables et injustifiés.
Je retirai mes vêtements et je restai tout bête, les mains sur le ventre, devant ma mère lancée dans une explication avec une amie de rencontre. Il y avait bien d'autres enfants, mais ils paraissaient à leur aise, couraient entre les cuisses humides, les mamelles pendantes, les montagnes de baluchons, fiers de montrer leurs ventres ballonnés et leurs fesses grises.
Je me sentais plus seul que jamais. J'étais de plus en plus persuadé que c'était bel et bien l'Enfer. Dans les salles chaudes, l'atmosphère de vapeur, les personnages de cauchemar qui s'y agitaient, la température, finirent par m'anéantir. Je m'assis dans un coin, tremblant de fièvre et de peur. Je me demandais ce que pouvaient bien faire toutes ces femmes qui tournoyaient partout, couraient dans tous les sens, traînant de grands seaux de bois débordants d'eau bouillante qui m'éclaboussait au passage. Ne venaient-elles donc pas pour se laver? Il y en avait bien une ou deux qui tiraient sur leurs cheveux, assises, les jambes allongées, protestant d'une voix haute, mais les autres ne semblaient même pas s'apercevoir de leur présence et continuaient leurs éternels voyages avec leurs éternels seaux de bois. Ma mère, prise dans le tourbillon, émergeait de temps en temps d'une masse de jambes et de bras, me lançait une recommandation ou une injure que je n'arrivais pas à saisir et disparaissait.
Devant moi, dans un seau vide, il y avait un peigne en corne, un gobelet de cuivre bien astiqué, des oranges et des œufs durs. Je pris timidement une orange, je l'épluchai, je la suçai pendant longtemps, le regard vague. Je sentais moins l'indécence de mon corps dans cette pénombre, je le regardais se couvrir de grosses gouttes de sueur et je finis par oublier les femmes qui s'agitaient, leurs seaux de bois et leurs voyages inexplicables autour de la pièce. Ma mère fondit sur moi. Elle me plongea dans un seau d'eau, me couvrit la tête d'une glaise odorante et malgré mes cris et mes larmes me noya sous un flot d'injures et de feu. Elle me sortit du seau, me jeta dans un coin comme un paquet, disparut de nouveau dans le tourbillon. Mon désespoir dura peu, je plongeai la main dans le seau à provisions et je pris un œuf dur, gourmandise dont j'étais particulièrement friand. Je n'avais pas encore fini d'en grignoter le jaune que ma mère réapparut de nouveau, m'aspergea alternativement d'eau bouillante et d'eau glacée, me couvrit d'une serviette et m'emporta à moitié mort à l'air frais sur l'estrade aux baluchons. Je l'entendis dire à la caissière :
- Lalla Fattoum, je te laisse mon fils, je n'ai pas eu encore une goutte d'eau pour me laver.
Et à moi :
- Habille-toi, tête d'oignon ! Voici une orange pour t'occuper.
Je me trouvai seul, les mains croisées sur mon ventre en flammes, plus bête que jamais au milieu de toutes ces inconnues et de leurs fastueux baluchons. Je m'habillai.
Ma mère vint un moment m'entourer étroitement la tête dans une serviette qu'elle me noua sous le menton, me munit de toutes sortes de recommandations et s'engouffra dans les salles chaudes par cette porte qui me faisait face et d’où s’échappaient toutes sortes de rumeurs.
J’attendis sur l'estrade jusqu'au soir. Ma mère finit par venir me rejoindre, l'air épuisé, se plaignant de violents maux de tête.
Heureusement pour moi, ces séances de bain étaient assez rares.
Questions de compréhension:
1) l'auteur est : Ahmed sefrioui est...... , il est né en ........, à ....., et est mort en ....... La Boite à Merveilles est un roman .......... , écrit en ........, et publié en ......... . C'est un roman de la littérature ......; Il a écrit d'autres oeuvres comme........
2) Choisissez la phrase qui vous parait plus adéquate pour être une situation pour ce passage:
a) le narrateur adulte souffre de la solitude et de l'insomnie se rappelle le petit enfant de six ans qu'il était.
b) le narrateur personnage habite à Dar chouafa .
c) le narrateur présente les habitants de Dar chouafa .
3) De quel rituel parle le narrateur?
4) Où se trouve -t-il ?
5) Qui sont les silhouettes qui gesticulaient ?Pourquoi gesticulaient-elles ?D'où vient la fumée?
6) Que portaient les silhouettes ? Quelles sont les couleurs choisies ?
7) Que ressent le narrateur après la fête? Et pourquoi?
8) La fête est organisée en l'honneur de qui? Quel sentiment engendre-t-elle chez le narrateur ? Relevez une phrase du texte pour justifier votre réponse ?
9) Où se trouve l'école?
10) Répartissez les habitants de dar chouafa selon les différentes parties de la maison ?
11) Comment était le narrateur à l'âge de six ans ?
12) Pourquoi le narrateur n'avait-il pas d'amis ?
13) Qu'est-ce qui caractérise l'univers auquel aspire le narrateur?
14) Quelles sont les personnes qui ont enrichi l'imagination de l'enfant ?
15) Quel est le péché qui empêchait d'entrer au paradis ?
16) D'après le narrateur la mort est un chemin qui mène au paradis où à l'enfer ?
17) le narrateur a hâte de grandir pour diverses raisons citez en deux?
18) A quel âge le narrateur deviendra-t-il un homme ?
19) En attendant de mourir que décide le narrateur de faire ?
20) Où se trouve l'école coranique ? Comment est le fkih? Où habite -t-il ?
21) Relevez du passage souligné les expressions qui annoncent la peur du narrateur du bain maure ?
22) Que lui donne sa mère pour l'encourager à aller au bain maure ?
23) Qui parle dans le passage en gras le narrateur adulte ou le narrateur enfant ? Justifiez votre réponse ?
24) Sidi mohamed au sein du bain maure avait-il le même sentiment que les autres enfants ?Relevez du texte une phrase pour justifier votre réponse ?
25)" Dès notre arrivée nous grimpâmes sur une vaste estrade couverte de nattes. Après avoir payé soixante quinze centimes à la caissière nous commençâmes notre déshabillage dans un tumulte de voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes à moitié habillées, déballant de leurs énormes baluchons des caftans et des mansourias, des chemises et des pantalons, des haïks à glands de soie d'une éblouissante blancheur. Toutes ces femmes parlaient fort, gesticulaient avec passion, poussaient des hurlements inexplicables et injustifiés."
Relevez de ce passage les différentes actions effectuées par les femmes et qui relèvent du champ lexical du bruit?
26) relevez du texte deux exemples de pratique relative au bain maure ?
27) le narrateur fréquente-t-il souvent le bain maure ? Justifiez votre réponse du texte ?
1:parce qu'il était malade.
RépondreSupprimer2:aprés deux jours et demi de repos.
3:comme toys led autres hours de msid.
4:lorsque les élèves lisaient le coran me fquih était dormait.
5:me vendredi soir,les élèves faisiez suivre de quelques vers de bnou Achir consacrés au rituel des ablutions.
6:le maitre était somnolait.
7:vous chantates la première sourante de couran.
8:il mangea in morceau de pain sec et sortit sa boite á merveille .
9:lala zoubida vit que la chambre de fatma bziouya brillait .
10: Elle découvre que la chambre de fatma brillait par une lampe à pétrol.
11:les avantages de la découverte que lii présent fatma : le danger d'éxploitation
12:zoubida la boujie avec une paire de ciseaux rouillés.
13: driis le teigneux apportait ,elle rayonnait de bonheur.
14:elle devait trouver la vie digne d'être vécue et le monde peuplé d'être.
15:rahma et son fille étaient invitées baptéme et à la cérémonie due non.
16: zoubida et bziouya qui ont récupéré zinbe.
17: elles étaient heureux à cause de cet evenement . car elles l'ont aidées.
18:non, elles sont pardonner.
19:Dan's une maison des enfants abondoneés.
20: une petite fête pour les pauvres et les femmes de son quartier.
21:Rahma organisa une fête pour les mendiant aveugles en guise.
22:petite féte entre femmes organisé pour les voisines qui don't aidé à préparer le couscous.
23:le narrateur mange avec zinbe .
24:il était triste car ses objets ils ne le parlaient pas, ils gisaient inertes.
25:elle lii ai parlé de fatigue et elle l'ai emmené dormir.